jeudi 23 septembre 2010

LA PRISE EN CHARGE DU DOPAGE PAR LES AUTORITES PUBLIQUES : DE LA DERIVE SPORTIVE AU CAS DE SANTE PUBLIQUE.

Salut à tous! Deuxième article sur le dopage dans le sport dès le deuxième jour d'existence du blog...j'espère que je garderai cette productivité. Voici la réponse à la conclusion de mon premier article. Je vais analyser comment la question du dopage est prise en charge par les autorités publiques.








Les autorités étatiques ont institué le dopage comme dérive puis comme un problème de santé publique, notamment dans le but de revenir à un sport « propre », véhiculant des valeurs de santé, d’intégration et d’épanouissement. Le dernier exemple en date de cette volonté en France fut la réunion du ministère de la santé et du ministère de la jeunesse et des sports sous un seul et même ministère dirigé par R. Bachelot[1]. Cette prise en charge répond à une volonté de lutte contre le dopage, mais l’association sport et santé n’est pas si anodine, et reflète une préoccupation des pouvoirs publics quand à l’évolution du dopage dans le sport de haut niveau mais aussi dans la société. Selon  Marie-George BUFFET, ancienne Ministre de la Jeunesse et des Sports : "Le phénomène du dopage a connu en une décennie, un accroissement considérable. Et contrairement à ce que l'on pouvait penser, ce fléau ne touche pas uniquement le sport de haut niveau, mais de plus en plus les jeunes et les amateurs [...] Ce fléau qu'est le dopage est un problème de santé publique". En 2002, le rapport « Activités physiques et sportives, santé publique, prévention des conduites dopantes » coordonné par le docteur Patrick Aeberhard indiquait déjà clairement que le dopage dépasse largement le seul sport de haut niveau. Et parce qu’il a un effet grossissant, le sport reste un révélateur du fonctionnement de nos sociétés.
La lutte contre le dopage répond donc à une préoccupation éthique et morale[2] : le sport doit garder sa part d’incertitude, doit rester un vecteur de santé au niveau du corps et de l’esprit, et le sport ne doit en aucun cas être une pratique à risque : risque d’addiction à la drogue[3], risque d’atteinte à la santé et parfois à la vie[4]. Pourtant P. YONNET, sociologue, souligne le fait que, les vrais risques du sport de haut niveau, c'est, avant le dopage, le sport de haut niveau lui-même, et notamment par les problèmes que rencontrent les sportifs durant leur après carrière sportive qui est très mal vécue par certain.
Ainsi cette préoccupation s’est traduite en France dans la loi. Différentes lois se sont succédées depuis 1965 : La loi Herzog du 1er juin 1965, la loi Bambuck du 28 juin 1989, la loi Buffet du 23 mars 1999 (Cette loi fait notamment écho à l’affaire Festina de 1998, qui montre le rôle que peut jouer la médiatisation dans la lutte contre le dopage cf partie médiatisation), la loi du 5 avril 2006. La dernière en date est la loi n°2008-650 du 3 juillet 2008[5] qui étend la pénalisation, au delà de l'usage, à la simple détention de produits ou procédés interdits et prend en compte les exceptions liées à un besoin thérapeutique, les procédures de contrôle sont également plus détaillées. Enfin les incriminations pénales concernent, outre la vente ou la cession de produits, la fabrication, la production, l’importation, l’exportation et le transport de ces produits[6]. Il existe aussi un numéro vert, anonyme et confidentiel, pour informer et aider tous les sportifs : ECOUTE DOPAGE 0 800 15 20 00[7].


Mais on peut constater que dans son ensemble, la lutte contre le dopage reste faible face à l’importance de ce phénomène et de son évolution avec par exemple la banalisation, voire la systématisation, d'un appoint médicamenteux lors de toute pratique qui est observée maintenant parmi les sportifs de tous niveaux et de tous âges. D'abord représentée par des simples vitamines, l'hygiène alimentaire de tout sportif comporte souvent des produits "énergétiques"qui ouvrent la porte au dopage (par exemple lors du marathon de Paris où les organisateurs distribuent des boissons énergétiques non commercialisées). Lire à ce sujet un ouvrage sur le dopage dans le sport amateur américain : Steroïd Nation


Le livre y décrit une vision totalement différente du dopage et de l’usage des stéroïdes à l’intérieur d'un groupe de bodybuilders californiens : assimilés à des vitamines au début, les conséquences sur la santé révélées plus tard seront soit niées soit déconsidérées par le groupe.
Le livre pose un jugement moral sur ces acteurs et va jusqu’à les assimiler à une secte sous l’emprise d’un gourou (Dan Duchaine, qui popularisa l’usage des stéroïdes par son livre The Underground Steroid Handbook for Men and Women I & II)


En faisant basculer le sport dans la sphère publique, sa professionnalisation a permis d’en faire un enjeu de débat public. Elle s’est accompagnée par des logiques de compétition relayés par les différents acteurs -sportifs, états, nations, médias- valorisant la performance et produisant ainsi un contexte favorable au développement du dopage.
Ces acteurs prennent part aux luttes pour produire une définition légitimée du dopage dans le sport (cf mon premier article). Celle-ci n’est pas sans influence sur la prise en charge par les autorités publiques. Cependant, il semblerait que les représentations sociales, morales et éthiques soient en décalage avec la réalité de ces pratiques en évolution constante.



[1] Le ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr/
[2] On note que cela peut renvoyer aux observations de Becker sur l’intérêt de ceux qui qualifient la déviance.
[3] On relève la présence d'une proportion importante d'anciens sportifs de haut niveau dans des centres de prise en charge d'usagers de drogues
[4] L’espérance de vie d'un joueur professionnel de football américain, l’un des sport les plus touchés par le dopage, ne dépasse pas 55 ans.
[5] Cette loi met aussi en place une haute autorité, l'Agence Française de Lutte contre le Dopage, chargée de "définir et mettre en oeuvre les actions de lutte contre le dopage" (Articles L232-5 à 8 du Code du Sport).
[6] Cf site web : http://membres.lycos.fr/caat/loi/dopage.htm
[7] Un premier bilan permet d'établir qu'aucune discipline et aucune génération n'échappe au dopage. La plupart (30%) s'interrogent sur la créatine, beaucoup consomment du cannabis (21%) et d'autres (16%) utilisent des corticoïdes, des anabolisants ou de l'érythropoïétine (EPO). De l'aveu même de ses promoteurs, ce numéro vert n'est pas une solution au problème du dopage, mais une sorte d'observatoire des conduites à risques, qui permet aux institutions d'accéder à une meilleure connaissance d'un phénomène.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire